Un homme dans la brume
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Dorothy B. Hughes
Un roman précurseur
L’Ă©pigraphe de Un homme dans la brume est Ă l’image du livre :
« Lorsqu’on est aussi seul, il faut bien parler Ă quelqu’un, se lancer Ă la recherche de quelqu’un, une fois la nuit tombĂ©e. »
J.M. SYNGE
L’autrice a vĂ©ritablement créé un genre Ă elle seule. D’autres auteurs se sont emparĂ©s de cet univers par la suite comme Patricia Highsmith et son fameux Monsieur Ripley (1991), Jim Thompson ou bien Thomas Harris avec son livre Le Silence des agneaux.
Un suspens redoutable
Un homme dans la brume est une rĂ©ussite absolue, un chef d’Ĺ“uvre du genre. A ne pas confondre avec la nouvelle L’Homme dans le brouillard d’Agatha Christie !
DĂ©jĂ , nous sommes plongĂ©s dans la tĂŞte du hĂ©ros, Dixon Steele, ancien pilote de la chasse dans l’armĂ©e. Impossible pour le lecteur d’ĂŞtre objectif, de savoir si les perceptions du hĂ©ros sont bonne ou mauvaise. Par exemple, alors qu’il retrouve son ami Brub qu’il n’a pas vu depuis un moment, voici ce qu’il pense : « Il savait exactement ce que Brub voyait, comme si Brub Ă©tait un miroir dressĂ© devant lui. Un jeune homme, un jeune homme comme il y en avait tant. BronzĂ©, cheveux châtain clair […] visage plutĂ´t beau mais banal, sans rien pour le distinguer vraiment. » Comment peut-il savoir prĂ©cisĂ©ment ce que voit son ami ? Qui le peut ? Nous voilĂ dĂ©jĂ embarquĂ© dans sa tĂŞte, obligĂ© de suivre ses pensĂ©es. On se demande si il ne va pas nous balader. Et plus on avance dans le rĂ©cit, plus les fissures apparaissent, grossière parfois et on aimerait sortir de sa tĂŞte, dire au hĂ©ros mais arrĂŞte tu dĂ©connes lĂ . Mais on ne peut pas. Car au fond de nous, on ne peut s’empĂŞcher de vouloir voir, savoir jusqu’oĂą il va s’enfoncer, vouloir savoir si il est vraiment le visage du mal ou si nous lecteur sommes partis dans un dĂ©lire paranoĂŻaque.Â
Un roman noir Ă Los Angeles
Un homme esseulé, un tueur en série, un détective de la police de Los Angeles, ça vous rappelle des films ? Forcément car le genre hardboiled a largement inspiré ce qui est devenu le film noir.
A l’image d’une excellente sĂ©rie rĂ©cente, si vous aimez cette ambiance, retrouvez les magnifiques Ă©pisodes de Sugar (2024) qui narre l’histoire d’un dĂ©tective enquĂŞtant Ă Los Angeles.
D’autres romans dans le genre hardboiled :
- Le Faucon maltais – Dashiell Hammett (Gallimard, 1999)
- Le Grand Sommeil – Raymond Chandler
- J’aurai ta peau – Mickey Spillane
Une adaptation cinématographique
Ce roman a été adapté en film dans Le Violent (1950) par Nicholas Ray dont le titre original est In a Lonely Place.
Les acteurs principaux sont les fameux Humphrey Bogart (pour le rĂ´le de Dix) et Gloria Grahame (dans le rĂ´le de Laurel).
Extrait
Page 90 – Un tueur en sĂ©rie sĂ©vit Ă Los Angeles. Le hĂ©ros Dix Ă©change Ă ce sujet avec son vieil ami Brub (l’inspecteur en charge de l’enquĂŞte) et sa femme Sylvia.
« Dans son pantalon clair et son pull vert chatoyant, ses cheveux humides noués sur le sommet du crâne, elle était svelte et lumineuse. « Tout l’après-midi, je n’ai entendu parler que de ça. Sur la plage, tout le monde harcelait Brub pour avoir des détails. J’ai droit à un verre, moi aussi, mon chéri ?
– Absolument. Tu nous suis au scotch ? demanda Brub en se rapprochant du bar.
– Volontiers. » Sylvia vida prestement les cendriers. « Mon Dieu, que les gens sont morbides ! » Elle revenait au sujet avec insistance. Elle s’était fabriquĂ© un puissant mĂ©canisme de dĂ©fense pour lutter contre ses peurs.
« Je ne suis pas sûr qu’il s’agisse vraiment de morbidité, observa Dix. N’est-ce pas plutôt de la vanité ? Obtenir un compte rendu d’un des inspecteurs chargés de l’enquête, ce n’est pas donné à tout le monde.
– Ouais, fit Brub en mĂ©langeant le soda au scotch. « L’inspecteur livre les secrets de l’enquĂŞte. » Il ne sait rien, mais il faut bien qu’il dise quelque chose. »
Dix sourit, le visage penché sur son verre. « Moi, c’est différent. Je suis directement concerné par cette affaire », dit-il en relevant lentement la tête. Sylvia s’était figée sur place, les yeux braqués sur lui comme s’il venait de révéler que c’était lui, l’étrangleur. Brub continuait de tourner la cuillère à cocktail. « J’écris un roman policier, vous comprenez », ajouta Dix. »
9,5/10
Charlotte
Chroniques littéraires
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