Sarah Jane
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James Sallis

Un immense coup de cĹ“ur ! Les Ă©motions sont brutes, vraies, renversantes. Sarah Jane se voit classĂ© en policier oui et non, c’est de la bonne littĂ©rature amĂ©ricaine, un excellent ouvrage, entre un thriller, un roman noir et de la littĂ©rature Ă©trangère.

 

Un excellent roman

C’est l’histoire de Sarah Jane Pullman aka « Mignonne », notre hĂ©roĂŻne qui a eu plusieurs vies dans une. 
Peut-ĂŞtre lisons-nous son journal intime, peut-ĂŞtre a-t-elle choisi les passages que nous lisons. Peu Ă  peu, entre passĂ©, prĂ©sent, nous retraçons son histoire, ses histoires, ses mĂ©tiers, l’armĂ©e, la cuisine puis shĂ©rif dans la petite ville de Farr, ses amants. On dĂ©couvre des personnages plutĂ´t tristes et taiseux passant par la vie comme on traverse un pont, perdu ou pas, dĂ©sabusĂ©s pour la plupart. 
Il y a plusieurs histoires dans ce seul rĂ©cit mais on peut rĂ©sumer l’histoire centrale qui est la disparition soudaine de Cal, le shĂ©rif de cette ville. Elle va alors devoir prendre sa place le temps d’enquĂŞter et tenter de retrouver sa trace. 

James Sallis

James Sallis est connu notamment pour avoir écrit Drive (2005) qui fut adapté en film et largement primé. En 2012, la suite Driven a été publiée.

J’ai trouvĂ© très juste ce que la maison d’Ă©dition Rivages a notĂ© dans la prĂ©sentation de l’auteur qui « poursuit depuis une Ĺ“uvre singulière et envoĂ»tante, peuplĂ©e de personnages magnifiquement humains, penchĂ©s au bord de leur propre gouffre et s’efforçant de ne pas y tomber.« 

C’est concis, net, travaillĂ©. Pas besoin d’Ă©crire un roman aux pages interminables lorsqu’on a le style de James Sallis. Il va droit au but, le couperet tombe, les Ă©motions sont brutes, vraies, renversantes. Un rĂ©gal.
Il Ă©crit page 110 « les gens vont se poser des questions. Des histoires vont circuler – toutes sortes d’histoires, qui circulent peut-ĂŞtre dĂ©jĂ . On s’accommode mal des vides, alors on se sent obligĂ© de les combler. C’est plus fort que nous.« 

Sarah Jane

Extraits

Extrait p.17-18

« Quand j’ai eu dix ans, maman a commencĂ© Ă  disparaĂ®tre du paysage. Personne n’en parlait. Elle s’absentait des semaines, voire des mois puis, un matin, sortait de la grande chambre et demeurait avec nous un moment, allant et venant dans la maison comme une pièce rapportĂ©e qui ne trouvait pas sa place. 
Un jour, elle est partie au beau milieu d’un film au cinĂ©ma, sans dire un mot. Elle s’en est allĂ©e, c’est tout. C’Ă©tait une espèce de comĂ©die idiote Ă  propos d’un couple qui, après un premier rendez-vous, ne parvenait pas Ă  se rejoindre pour un second Ă  cause de la mĂ©tĂ©o, d’animaux trop mignons, d’embouteillages et de dĂ©filĂ©s. Mon frère et moi sommes restĂ©s jusqu’au bout – jusqu’Ă  la grande scène finale, avec l’homme d’un cĂ´tĂ©, la femme de l’autre, et un grand vide au milieu. Darn et moi, on a attendu dehors une demi-heure avant de supplier un chauffeur de bus de nous laisser monter gratuitement, vu qu’on n’avait pas un sou en poche. Mon frère d’appelait Darnell, mais tout le monde l’appelait Darn. 
Lorsque nous sommes rentrĂ©s, Papa a dĂ©tachĂ© son regard du punch au lait qu’il Ă©tait en train de prĂ©parer sur le plan de travail Ă  la cuisine. « Ah. Elle est repartie », a-t-il dit. 
Je lui ai affirmĂ© qu’elle reviendrait. 
« Je pense, oui. » Il a goĂ»tĂ© le breuvage, auquel il a ajoutĂ© du sucre. « Mais la vie n’est pas une pizzeria, Mignonne. Elle ne livre pas Ă  domicile. »
 
 
p.160 – Sarah Jane remplace le shĂ©rif Cal qui a disparu
 
« L’affiche de Cal, le fauteuil de Cal, l’Ă©quipe de Cal, le boulot de Cal. Les miens Ă  prĂ©sent. On verrait bien. 
Parfois, c’est comme si on rĂ©pĂ©tait pour un spectacle jour après jour sans jamais lire le scĂ©nario ni avoir la moindre idĂ©e du rĂ´le qu’on joue. Ou comme si on se tenait dans un parc avec un plan indiquant, en caractères gras dans un encadrĂ©, « VOUS ETES ICI », alors qu’on sait très bien que ce n’est pas le cas. »

L'avis de Charlotte

L’ellipse a une place centrale dans le roman. L’auteur s’amuse ainsi Ă  passer sous silence de nombreux passages de la vie de Sarah Jane. Le lecteur dĂ©couvre donc des vides qu’il utilise comme il veut, pour imaginer, broder, ignorer. Au fil de la lecture, les paragraphes sont assez courts et intenses et cela donne vraiment la sensation de dĂ©couvrir la vie du personnage, comme on la vit nous, en un an tout peu changer, on avance parfois Ă  reculons et on s’attache Ă  cette Sarah Jane. Entre mĂ©lancolie, drame et humour acerbe, nous suivons avec dĂ©lectation les tribulations de notre personnage au franc parler, qui a bien compris que la vie ne lui ferait pas de cadeau.

 

A présent, je vous invite à découvrir un autre de mes coups de cœur !

9/10

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