Sarah Jane
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James Sallis
Un immense coup de cœur ! Les émotions sont brutes, vraies, renversantes. Sarah Jane se voit classé en policier oui et non, c’est de la bonne littérature américaine, un excellent ouvrage, entre un thriller, un roman noir et de la littérature étrangère.
Un excellent roman
James Sallis
James Sallis est connu notamment pour avoir écrit Drive (2005) qui fut adapté en film et largement primé. En 2012, la suite Driven a été publiée. J’ai trouvé très juste ce que la maison d’édition Rivages ait noté dans la présentation de l’auteur qu’il « poursuit depuis une œuvre singulière et envoûtante, peuplée de personnages magnifiquement humains, penchés au bord de leur propre gouffre et s’efforçant de ne pas y tomber.«
C’est concis, net, travaillé. Pas besoin d’écrire un roman aux pages interminables lorsqu’on a le style de James Sallis. Il va droit au but, le couperet tombe, les émotions sont brutes, vraies, renversantes. Un régal.
Extraits
Page 17
« Quand j’ai eu dix ans, maman a commencé à disparaître du paysage. Personne n’en parlait. Elle s’absentait des semaines, voire des mois puis, un matin, sortait de la grande chambre et demeurait avec nous un moment, allant et venant dans la maison comme une pièce rapportée qui ne trouvait pas sa place.
Un jour, elle est partie au beau milieu d’un film au cinéma, sans dire un mot. Elle s’en est allée, c’est tout. C’était une espèce de comédie idiote à propos d’un couple qui, après un premier rendez-vous, ne parvenait pas à se rejoindre pour un second à cause de la météo, d’animaux trop mignons, d’embouteillages et de défilés. Mon frère et moi sommes restés jusqu’au bout – jusqu’à la grande scène finale, avec l’homme d’un côté, la femme de l’autre, et un grand vide au milieu. Darn et moi, on a attendu dehors une demi-heure avant de supplier un chauffeur de bus de nous laisser monter gratuitement, vu qu’on n’avait pas un sou en poche. Mon frère d’appelait Darnell, mais tout le monde l’appelait Darn.
Lorsque nous sommes rentrés, Papa a détaché son regard du punch au lait qu’il était en train de préparer sur le plan de travail à la cuisine. « Ah. Elle est repartie », a-t-il dit.
Je lui ai affirmé qu’elle reviendrait.
« Je pense, oui. » Il a goûté le breuvage, auquel il a ajouté du sucre. « Mais la vie n’est pas une pizzeria, Mignonne. Elle ne livre pas à domicile.«
Page 160 – Sarah Jane remplace le shérif Cal qui a disparu
« L’affiche de Cal, le fauteuil de Cal, l’équipe de Cal, le boulot de Cal. Les miens à présent. On verrait bien.
Parfois, c’est comme si on répétait pour un spectacle jour après jour sans jamais lire le scénario ni avoir la moindre idée du rôle qu’on joue. Ou comme si on se tenait dans un parc avec un plan indiquant, en caractères gras dans un encadré, « VOUS ETES ICI », alors qu’on sait très bien que ce n’est pas le cas.«
L'avis de Charlotte
L’ellipse a une place centrale dans le roman. L’auteur s’amuse ainsi à passer sous silence de nombreux passages de la vie de Sarah Jane. Le lecteur découvre donc des vides qu’il utilise comme il veut, pour imaginer, broder, ignorer. Au fil de la lecture, les paragraphes sont assez courts et intenses et cela donne vraiment la sensation de découvrir la vie du personnage, comme on la vit nous, en un an tout peu changer, on avance parfois à reculons et on s’attache à cette Sarah Jane. Entre mélancolie, drame et humour acerbe, nous suivons avec délectation les tribulations de notre personnage au franc parler, qui a bien compris que la vie ne lui ferait pas de cadeau.
9/10
- Page Babelio
- Pour l’acheter chez votre libraire (EAN : 9782743653651)




