L'homme qui voulait vivre sa vie
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Douglas Kennedy
Paru dans son titre original « The Big Picture« , le traducteur Bernard Cohen a trouvé un titre absolument génial en français « L’homme qui voulait vivre sa vie ». C’est un titre parfait d’un point de vue marketing, il est attirant, résume parfaitement le roman et implique un grand suspens. Que signifie vraiment ce titre ? Faut-il le prendre au premier degré ou est-ce du sarcasme ? C’est un titre qui nous invite à ouvrir le livre. On parle de l’homme sans grand H, du mâle mais on ne le nomme pas, c’est l’homme, il peut être n’importe qui, vous, moi, votre mari. Il voulait vivre sa vie sous-entend qu’il est prisonnier d’une vie qui ne lui appartient pas, question existentielle qui nous titille tous à un moment donné (ou encore aujourd’hui ?).
Le héros Ben Bradford est dans un tournant de sa vie. Il a deux enfants en bas âge, une femme avec qui visiblement l’amour n’est plus au beau fixe, beaucoup d’argent mais son métier d’avocat ne le comble pas. Ce dont il rêvait, c’était d’être photographe. Bref, il se demande si il n’a pas raté sa vie. Alors il craque, il disjoncte, c’est la crise. Je en dirais pas plus au risque de vous spoiler. Tout se met en route lorsqu’il se met à soupçonner que sa femme le trompe. C’est la goutte d’eau et son existence s’emballe.
Extrait
Page 143
» Nous aimerions tant partir, voyager légers, et cependant nous ne cessons pas d’accumuler de nouveaux poids qui nous entravent et nous enracinent. La faute nous en incombe parce que, au-delà du rêve d’évasion, auquel nous ne renonçons jamais, il y a aussi l’attrait irrésistible des responsabilités : la carrière, la maison, les scrupules parentaux, les dettes, tout cela nous remet sans cesse les pieds sur terre, nous offre cette sécurité tant recherchée, nous donne simplement une raison de sortir du lit le matin. En réduisant inexorablement le champ du « choix », cette vie nous accorde le soulagement des certitudes. Alors, même si tous les hommes que je connais enragent en secret d’être tombés dans un cul-de-sac domestique, nous continuons à y entrer et à nous y installer, tous. La rage au coeur, le désir de vengeance aux tripes.
« Tu serais bien parti pour de bon, hein ? m’a demandé Bill alors que nous jetions l’ancre à Sheffield Island.
– Et comment ! Pourquoi, pas toi ? » Je suis resté un instant silencieux puis j’ai haussé les épaules. « Mais non … »
– Pourquoi non ?
– S’enfuir, c’est possible, mais pas disparaître.
– Mais s’enfuir, au moins ? Tu y penses ?
– Tout le temps. Pas toi ?
– Oh, personne n’est jamais vraiment content de son sort, n’est-ce pas ? Simplement, certains d’entre nous l’acceptent d’un peu meilleure grâce … »
L'avis de Charlotte
En France, le roman a été adapté au cinéma par Eric Lartigau en 2010. C’est Romain Duris qui incarne Ben Bradford. C’est un bon film mais à choisir, je vous recommande de lire le livre qui est beaucoup plus savoureux, détaillé et passionnant.
C’est passionnant, drôle et Douglas Kennedy décrit à la perfection toutes les émotions qui passent dans la tête de Ben. On ne peut plus s’arrêter de tourner les pages pour savoir ce qu’il va se passer. C’est un fantasme pur, il va faire ce dont on rêve secrètement, tout envoyer balader et refaire sa vie. Croyez-moi, si vous ouvrez ce livre, vous ne le lâcherez plus !
Derrière ce récit se cachent des questions métaphysiques sur notre rôle dans la vie, au sein d’une famille mais aussi l’impact des décisions qu’on prend lorsque l’on est jeune. Peut-on changer son destin ? Quelles en seront les conséquences ? L’herbe est-elle plus verte ailleurs ?
C’est un excellent roman à offrir avec certitude si il n’a jamais été lu.