La physique des catastrophes
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Marisha Pessl

Ce livre est une véritable performance littéraire, à mettre entre toutes les mains ! 
 
Il est de ceux qui, pour moi, devraient devenir des classiques. Il est de ceux que j’achèterai au moins vingt fois dans ma vie car je sais que je l’offrirai Ă  nombre de proches. Il est un doux mĂ©lange de Moi, Charlotte Simmons (Tom Wolfe, 2006) et de l’excellent Le MaĂ®tre des illusions (Donna Tartt, 1992).
Traduit par Laetitia Devaux, le titre est vraiment plaisant dans sa langue originale : Special Topics in Calamity Physics
 
Il est un vent de libertĂ©, un duo gĂ©nial, une histoire captivante, des rĂ©fĂ©rences littĂ©raires, un drame entrecoupĂ© d’humour.
 
Une jeune fille nommĂ©e Bleue Van Meer, dotĂ©e d’une grande intelligence, voyage avec son père, un professeur d’universitĂ© rĂ©putĂ©. Charismatique et exubĂ©rant, il voyage Ă  travers les Etats-Unis, changeant de lieux d’Ă©tudes plusieurs fois par annĂ©e. La mère de Bleue est dĂ©cĂ©dĂ©e lorsqu’elle Ă©tait jeune et ils se retrouvent donc tous les deux. Ces dĂ©mĂ©nagements successifs seraient-ils un moyen de fuir leur drame personnel ?
Mais pour sa dernière annĂ©e au lycĂ©e, son père dĂ©cide de s’installer pour l’annĂ©e dans une petite ville. Habituellement peu populaire, elle va pourtant ĂŞtre invitĂ©e dans un cercle très privĂ© animĂ©e par une professeure peu ordinaire. Cette dernière s’appelle Hannah. Elle invite uniquement des jeunes hors du commun Ă  partager des repas animĂ©s de discussions passionnĂ©es et plus encore. Mais un drame va survenir et tout, absolument tout, va ĂŞtre chamboulĂ©. 

Rempli de rĂ©fĂ©rences, Ă©toffĂ©, les 800 pages sont dĂ©vorĂ©es en un clin d’Ĺ“il. 
Une vraie prouesse littĂ©raire, surtout lorsqu’on sait que l’auteure, Marisha Pessl l’a publiĂ© Ă  seulement 26 ans. 
La physique des catastrophes

Extrait

DĂ©but du roman (Gallimard)

« Papa disait toujours qu’il faut une sublime excuse pour Ă©crire l’histoire de sa vie avec l’espoir d’ĂŞtre lu.
« A moins que ton nom ne soit comparable Ă  ceux de Mozart, Matisse, Churchill, Che Guevara ou Bond – James Bond -, il vaut mieux que tu consacres ton temps libre Ă  peindre avec tes doigts ou Ă  pratiquer le palet, car personne, mis Ă  part ta pauvre mère aux bras flasques et aux cheveux rĂŞches qui te couve d’un regard tendre comme du veau, ne voudra Ă©couter le rĂ©cit de ta pitoyable existence, laquelle s’achèvera sans doute comme elle a commencĂ© – dans un râle. »
Avec des critères aussi stricts, j’Ă©tais persuadĂ©e que je ne trouverais de toute façon pas ma sublime excuse avant d’avoir au moins soixante-dix ans, lorsque je serais pleine de tavelures et de rhumatismes, mais dotĂ©e d’un esprit aussi tranchant qu’un couteau de boucher, d’un mas provençal Ă  Avignon (oĂą je pourrais me dĂ©lecter de 365 fromages diffĂ©rents), d’un amant de vingt ans plus jeune qui travaillerait aux champs (des champs de quoi, je l’ignore, sans doute une plante dorĂ©e et vaporeuse) et, peut-ĂŞtre, d’un petit succès Ă  mon actif en sciences ou en philosophie. Et pourtant, la dĂ©cision – ou plutĂ´t, la nĂ©cessitĂ© impĂ©rieuse – de prendre la plume pour raconter mon histoire et tout particulièrement l’annĂ©e oĂą elle se dĂ©fit comme un pull dont on a tirĂ© une maille, eut lieu beaucoup plus tĂ´t que je ne l’aurais imaginĂ©.
Tout commença par une banale insomnie. Cela faisait près d’un an que j’avais dĂ©couvert le corps de Hannah, et je pensais avoir effacĂ© en moi toute trace de cette nuit-lĂ , un peu comme, Ă  force d’exercices de prononciation, le professeur Henry Higgins finit par gommer l’accent cockney d’Eliza (voir My Fair Lady).
Je me trompais.
Fin janvier, je me rĂ©veillais Ă  nouveau en pleine nuit, tandis que le couloir obscur se taisait et que des ombres hĂ©rissĂ©es se blottissaient Ă  l’arĂŞte du plafond. Mes seuls biens en ce monde se limitaient Ă  quelques gros manuels suffisants tels qu’Introduction Ă  l’astrophysique ainsi qu’Ă  un triste et silencieux James Dean prisonnier de son affiche en noir et blanc et des bouts de scotch qui le plaquaient au dos de notre porte. En l’observant Ă  travers les tĂ©nèbres en taches d’encre, je vis tout Ă  coup Hannah Schneider comme si elle Ă©tait lĂ . « 

L'avis de Charlotte

Je l’ai tout simplement adorĂ©, j’aime le style de l’auteure, sa dramaturgie, son humour, son intelligence, la construction de son roman est extrĂŞmement bien pensĂ©e et le suspens est au rendez-vous. L’ayant fait lire Ă  plusieurs personnes de mon entourage, je me suis rendue compte que notre ressenti Ă©tait bien diffĂ©rent (tout art reste subjectif). Mais au bout de dix lectures, en français, en langue originale, je reste sur mon premier avis, ce roman un bijou !
 
A travers les nombreux chapitres, Marisha Pessl a crĂ©Ă© un vĂ©ritable univers. Contemporain, le caractère unique de ce roman vient du fait qu’elle y a insĂ©rĂ© Ă©normĂ©ment de rĂ©fĂ©rences -des vraies comme des fausses-, on prend plaisir Ă  s’y perdre. On dĂ©vore les pages, en quĂŞte de rĂ©ponses, elle nous entraĂ®ne ainsi avec aisance dans un superbe scĂ©nario qui jamais ne s’essouffle, bien au contraire. C’est une Ĺ“uvre curieuse, digne Ă  mon avis de faire partie des listes de livres Ă  lire au lycĂ©e, avec un grand plaisir. 

9/10

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