Il faut qu'on parle de Kevin
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Lionel Shriver

Mis en lumière par le film We need to talk about Kevin (réalisé par Lynne Ramsay en 2011), Il faut qu’on parle de Kevin a été édité en 2003 (en 2006 en France). Il a reçu le Orange Prize en 2005.

C’est un livre percutant et choquant.
Faisons simple. Kevin est le fils de Eva. A à peine seize ans, il perpétue une tuerie de masse dans son lycée. Tout au long du livre, nous lisons les lettres de Eva qu’elle adresse au père de Kevin. Elle retrace toute l’histoire de Kevin, depuis le jour de sa naissance jusqu’à ce sanglant JEUDI.
L’objectif ? Analyser, décrypter.
Ce qu’on comprend rapidement, c’est qu’elle n’a jamais aimé son fils et que c’était réciproque (selon elle). Selon ses souvenirs, Kevin avait toujours été un enfant très difficile.

Il faut qu'on parle de Kevin

Extraits

J’ai choisi un extrait d’une discussion entre Eva et son mari (Franklin). Ce moment m’a paru très important car tout au long du livre, le père apparait comme une figure un peu inutile, plein de bonhommie, ne se rendant pas compte du comportement de son fils. Et pourtant, ce personnage va dire ce qu’il pense réellement. Ils discutent de Kevin…

Page 322
 » – Franklin, je ne comprends pas où…
– Et c’est symptomatique, n’est-ce pas ? Tu restes à la maison pour « lui » parce que tu veux m’impressionner « moi ». Il n’entre jamais en ligne de compte, n’est-ce pas ? 
– Mais de quoi on parle, là ? Je voulais juste te dire que j’aimerais que nous ayons un autre bébé, et j’espérais que tu serais content, ou au moins que tu commencerais à te faire à l’idée. 
– Tu t’en prends toujours à lui », as-tu dit. Avec un autre regard du côté de l’endroit où Kevin faisait ses lancers, tu avais l’air d’être seulement au début. « Tu lui fais porter le chapeau pour tout ce qui va de travers dans cette maison. Et dans son école maternelle, en plus. Tu te plains de ce malheureux gamin depuis le tout premier jour. D’abord, il pleure trop, ensuite il est trop silencieux. Il développe sa façon de parler à lui, c’est ennuyeux. Il ne joue pas bien – ce qui veut dire, pas comme toi tu jouais. Il ne traite pas comme des pièces de musée les jouets que tu fabriques. Il ne te passe pas la main dans le dos chaque fois qu’il apprend à écrire un nouveau mot, et, sous prétexte que tout le voisinage ne se presse pas pour être sur son carnet de bal, tu es résolue à le dépeindre comme un paria. Il a un, oui, un sérieux problème psychologique, lié à l’apprentissage de la propreté, ce qui n’est pas en soi exceptionnel, Eva, mais peut en revanche être très douloureux pour l’enfant – et tu veux à tout prix y voir une opposition agressive et personnelle à ton égard. Je suis soulagée de voir qu’apparemment il en est sorti, mais vu ton attitude, je ne suis pas surpris que cela ait duré aussi longtemps. Je fais mon possible pour compenser ta… – et je suis vraiment désolé si cela est blessant pour toi, mais je ne trouve pas d’autre mot- … ta froideur. Sauf qu’il n’y a pas de produit de remplacement à l’affection d’une mère, et plutôt mourir que te laisser bousiller un autre enfant de moi. »

L'avis de Charlotte

Le but du livre n’est pas tant d’apporter une explication que de décrire la vie d’une famille tout en décrivant avec finesse la société contemporaine américaine. Comment passe-t-on d’un point A à un point B jusqu’à un point culminant ? Eva, la mère de Kevin, est froide, critique mais aussi cultivée, consciente de la réalité et riche. Un enfant se transforme-t-il en monstre ou l’est-il dès le départ ? Le fameux débat de l’inné et de l’acquis. C’est la question qui nous taraude tout au long du livre. D’ailleurs je ne suis pas certaine que tous les lecteurs en tirent la même conclusion, question d’interprétation.

*** Spoiler***

En usant de l’usage de flash-back, l’auteure arrive à nous tenir sous tension. En parallèle, on suit sa vie actuelle, les visites à son fils à la prison, emplis de dialogues cruels. Comme elle dit, elle n’a plus que lui, il lui a tout pris.
C’est un livre impressionnant, de par son sujet, la quantité de détails sur les personnages. En refermant le bouquin, on a peine à croire qu’ils n’existent pas réellement tellement on a l’impression d’être plongé dans un documentaire, un peu voyeuriste à lire les pensées d’une mère ayant réellement existé.

En définitive, c’est aussi un livre très angoissant et l’auteure choisit de donner une vision particulière de la maternité. Pour une fois qu’on ose franchir le grand tabou des mères qui n’aiment pas (tant que ça) leurs enfants ! Je salue le courage de l’auteure de s’être emparée du sujet.

Un livre coup de poing à ne pas mettre entre tous les mains.

7/10

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