Ce que je ne veux pas savoir
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DĂ©borah Levy

La romancière Deborah Levy est Ă  Majorque et se replonge dans ses souvenirs de son pays natal, l’Afrique du Sud. Nous sommes en 1964 Ă  Johannesburg et c’est l’apartheid. Une politique de sĂ©grĂ©gation raciale est en place, devant les parcs se trouvent des panneaux qui indiquent l’exclusivitĂ© du lieu pour les blancs, des arrĂŞts de bus sont pour les noirs uniquement. Les domestiques colorĂ©s ne sont pas tous respectĂ©s. C’est l’horreur, la douleur. Deborah fait partie d’une famille qui ne partage pas cette opinion. Ses parents connaissent Nelson Mandela. Nous plongeons dans ses souvenirs. Elle est vive, drĂ´le, fine observatrice. Nous partageons sa douleur lorsque son père est arrĂŞtĂ© et emprisonnĂ© pour des annĂ©es, pour avoir dĂ©fendu l’Ă©galitĂ©. Sa vision de jeune fille dĂ©voile l’absurditĂ© de ces lois. Pourquoi cette personne a moins de droit que telle autre ?
Ce que je ne veux pas savoir est le premier tome de sa trilogie autobiographique. Un pur régal. 

Extrait - Ce que je ne veux pas savoir

Page 33
« Certaines mères deviennent folles parce que le monde qui les a fait se sentir inutiles et le monde dont leurs enfants tomberont amoureux. »
 
Page 124
« L’amour entre papa et maman avait mal tournĂ© en Angleterre. Sam le savait et je le savais, mais nous ne pouvions rien y faire. Quand l’amour tourne mal, on se met Ă  voir l’envers plutĂ´t que l’endroit. Nos parents qui  n’en finissaient plus de se tourner le dos. De crĂ©er un espace solitaire entre eux, mĂŞme quand ils Ă©taient assis Ă  la table familiale. D’avoir le regard perdu Ă  mi-distance. Quand l’amour tourne mal tout tourne mal. Assez mal pour que mon père frappe Ă  la porte de ma chambre et m’annonce qu’il allait vivre ailleurs. Il portait son costume anglais et avait l’air usĂ©, comme l’asphalte de la route dehors. »

L'avis de Charlotte

Ce qui est passionnant, c’est que nous rentrons totalement dans la tĂŞte de l’autrice, dans son intimitĂ© et ses pensĂ©es. Elle raconte sa vie au fil des pages et nous la suivons avec dĂ©lectation et envie. En plus, elle Ă©crit  bien, elle Ă©crit mĂŞme très bien. Car en effet, dans ce tome, DĂ©borah Levy mène une vie d’artiste, entre vie de tous les jours, plutĂ´t commune et voyages Ă  l’Ă©tranger entourĂ©s d’amis. Elle a le luxe de lire, d’Ă©crire, de partager des repas, on a l’impression qu’elle a des connaissances partout Ă  travers le monde. On voyage avec elle, de Paris Ă  Berlin en passant par la Grèce. Ça m’a fait rĂŞver. Elle est pleine d’esprit et de culture, elle est drĂ´le, j’aimerais ĂŞtre son amie, j’aimerais boire un verre de vin en sa compagnie, j’aimerais lui dire Ă  quel point elle ne doit pas se sentir seule, qu’une femme comme elle, aussi douĂ©e, drĂ´le, intelligente n’aura aucun mal Ă  vaincre sa solitude. DotĂ©e d’une certaine sensibilitĂ© et d’un grand sens de l’observation, elle dĂ©cortique ce qui peut paraĂ®tre anodin mais ne l’est pas. Deborah a cinquante-neuf ans et ses deux filles sont parties vivre leur vie. Elle est sĂ©parĂ©e du père et voyage, Ă©crit, se pose des questions, Ă©met un avis sur le monde qui nous entoure. C’est rĂ©jouissant, très bien Ă©crit et parsemĂ© de citations d’auteurs.
 
C’est frais, superbe, prenant, c’est un vĂ©ritable coup de cĹ“ur !
 

9/10

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