Les Affinités
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Robert Charles Wilson
Les AffinitĂ©s est un livre de science-fiction gĂ©nial ! Il s’agit d’une uchronie puisque nous retrouvons notre monde sauf que des bouleversements scientifiques ont eu lieu, ce qui modifie forcĂ©ment le futur qui est notre prĂ©sent. Le roman est jalonnĂ© d’action, pas un chapitre n’est ennuyeux, c’est passionnant, bien Ă©crit, divertissant Ă souhait.
Les Affinités : le sujet
Le hĂ©ros est un homme quelque peu banal, Adam Fisk, vivant Ă Toronto et Ă©tudiant le graphisme. S’est dĂ©veloppĂ©e une sociĂ©tĂ© permettant de se tester et de savoir si on fait partie d’une famille d’ « Affinité ». Rien de mieux pour vous expliquer que la première page du roman :Â
« Quand, il y a deux ans, une obscure sociĂ©tĂ© de gestion de donnĂ©es a lancĂ© ce qu’elle appelait « les AffinitĂ©s », peu de monde y a fait attention. C’Ă©tait une idĂ©e chimĂ©rique qui ne semblait guère prendre d’ampleur : il n’y a eu aucune campagne de publicitĂ©, Ă part dans quelques mĂ©dias de quelques grandes villes, et la presse en a peu parlĂ© mĂŞme dans ces marchĂ©s-lĂ . Mais quelque chose de surprenant Ă©tait en train de se produire Ă notre insu…
InvitĂ© Ă participer Ă une rĂ©union locale, je m’y suis rendu sans m’attendre Ă grand-chose. Je pensais tomber sur des personnes tout Ă fait ordinaires qu’on avait convaincues de payer annuellement le privilège de se flatter les unes les autres, concept commercial dont P.T. Barnum aurait sans doute tirĂ© fiertĂ©. J’ai dĂ©couvert Ă ma grande surprise dans cette rĂ©union une vĂ©ritable Ă©nergie – sociale, sexuelle, intellectuelle. Pris de la curiositĂ© savoir oĂą tout cela conduisait, j’ai demandĂ© Ă une jeune femme ce que les membres de son AffinitĂ© feraient Ă son avis dans vingt ou trente ans.
« On Ă©crira nos mĂ©moires, j’imagine, m’a-t-elle rĂ©pondu en riant. Ou peut-ĂŞtre qu’on signera nos aveux. »
The Atlantic, « TĂ©lĂ©odynamique, Meir Klein et l’ascension des AffinitĂ©s » (article de fond) »
Ainsi, après s’ĂŞtre fait testĂ©, vous ĂŞtes soit heureux gagnants et faites partie d’une AffinitĂ© soit malheureusement vous voilĂ remboursĂ© et retournez Ă votre morne existence. Dans le premier cas, vous aurez un rendez-vous et rencontrerez une trentaine de personnes « compatibles », vous trouverez en quelque sorte, une nouvelle famille.
Le récit suit donc Adam à partir du moment où il se fait tester puis sur la suite de son existence et tout ce que cela engendre. Je préfère ne pas vous en dire trop afin de vous laisser le plaisir de découvrir !
Extraits
p.106-107
« Ce que je voulais lui dire, c’Ă©tait :
Comme toi, Jenny, je me suis toujours imaginĂ© qu’il devait y avoir une place pour moi dans le monde. Tu sais de quoi je parle. Tu marches dans la rue par une nuit d’hiver si froide que tes pas sur le trottoir plein de neige font un bruit de verre pilĂ©, de la lumière jaune s’Ă©chappe des fenĂŞtres des maisons inconnues et tu surprends un moment d’une banalitĂ© exquise – une petite fille qui met la table, une femme qui fait la vaisselle, un homme qui tourne les pages d’un journal ; il te vient alors l’idĂ©e qu’en franchissant la porte d’entrĂ©e de cette maison, tu pourrais avoir une existence flambant neuve, les gens Ă l’intĂ©rieur te reconnaĂ®traient et te feraient bon accueil, tu t’apercevrais que tu connaissais depuis toujours cet endroit et que tu n’en Ă©tais jamais vraiment parti. Comme ce dont on a parlĂ© un jour sur Birch Street, tu te souviens ? Le soir de la grosse tempĂŞte de neige, quand on rentrait Ă pied dans le noir après la rĂ©pĂ©tition d’orchestre.
Il se trouve, Jenny, qu’il existe bel et bien une porte de ce genre. Il existe bel et bien une maison pleine de voix aimables et gĂ©nĂ©reuses. Cette maison existe et j’ai eu la chance de la trouver. C’est pour ça que je ne peux pas rentrer t’Ă©pouser.
Je sais bien que tu penses que ce sont des conneries et que je me suis laissĂ© avoir par un boniment commercial, que j’ai tout gobĂ© et suis entrĂ© dans une secte. Tu crois que je me suis donnĂ© Ă Tau de la manière dont certains se donnent Ă la scientologie, au mormonisme ou au parti communiste. Mais Tau n’est pas comme ça.
C’est une fenĂŞtre dĂ©versant de la lumière dans une nuit froide, Jenny. C’est un abri dans la tempĂŞte. C’est tout ce dont nous avions envie depuis la prison de notre solitude. C’est ce que, sans y rĂ©ussir, nous avons essayĂ© de trouver dans les bras l’un de l’autre.
VoilĂ les mots que je n’ai pas pu lui dire. »
L'avis de Charlotte
A travers ce roman, de nombreux sujets sont traitĂ©s. Tout d’abord du point de vue sociologique, l’importance du groupe et de son appartenance. Ensuite, celui de la famille dans laquelle nous naissons sans forcĂ©ment en faire partie pour autant. Comment trouver sa place dans un monde hyper connectĂ© dans lequel nous pouvons malgrĂ© tout ressentir beaucoup de solitude ? Enfin, d’un point de vue philosophique, l’utilisation de la technologie au service du dĂ©veloppement social et Ă©conomique est-il bĂ©nĂ©fique pour l’humanitĂ© ? Qui en sont les gagnants et les perdants ? Cela permettrait-il Ă l’humanitĂ© de ne pas reproduire les erreurs du passĂ© ?
Le roman est jalonnĂ© d’action, pas un chapitre n’est ennuyeux, c’est passionnant, bien Ă©crit, divertissant Ă souhait, j’ai adorĂ© !
Le hĂ©ros est attachant car il est « normal », fait des erreurs et se pose les mĂŞmes questions que tout Ă chacun. Tout est plausible et rien de mieux qu’un livre rĂ©aliste pour embarquer le lecteur dans une rĂ©alitĂ© alternative ! L’auteur nous laisse la place d’interprĂ©ter avec justesse le rĂ©cit et trouver des rĂ©ponses aux questions que le livre soulève, sans forcer la main ni imposer son point de vue. Une très belle dĂ©couverte.