Un coin de ciel brûlait
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Laurent Guillaume
C’est un livre poignant, puissant, noir, cruel, vĂ©ridique, fouillĂ©, travaillĂ©, excellent.
Un coin de ciel brûlait est un excellent roman, sombre et puissant, publié aux Editions Michel Lafon. Nous avons ici un livre maîtrisé de A à Z, un auteur talentueux, une écriture travaillée, un scénario digne des meilleurs films noirs, des personnages ultra réalistes et un suspens insoutenable.
Voici l’Ă©pigraphe du roman, reprĂ©sentatif de ce qui s’annonce : « LĂ oĂą règne la violence, il n’est de recours qu’en la violence; lĂ oĂą se trouvent les hommes, seuls les hommes peuvent porter secours. » (BERTOLT BRECHT)
Le titre du roman est tirĂ© de la chanson La ville s’endormait de Jacques Brel :
La ville s’endormait
Et j’en oublie le nom
Sur le fleuve en amont
Un coin de ciel brûlait.
Extrait
Page 359 – Le RUF est le Revolutionary United Front (Front rĂ©volutionnaire uni), groupe armĂ©, responsable de la guerre civile en Sierra Leone.Â
« C’est ainsi que la police le trouva, attachĂ© Ă une chaise avec du fil de fer, un pic Ă glace dans l’oreille. Un coup de tĂ©lĂ©phone anonyme avait signalĂ© des appels au secours. Le correspondant avait donnĂ© l’adresse et raccrochĂ© en disant : « Faites vite, ça chauffe lĂ -bas. » EnfilĂ©e sur la lame du pic Ă glace en forme de poinçon, il y avait une bague en diamant que le plus gradĂ© des flics fit rapidement disparaĂ®tre dans sa poche. Les policiers dĂ©couvrirent encore deux cadavres, deux hommes traĂ®nĂ©s dans la buanderie derrière la cuisine. Dans une chambre, ils trouvèrent le corps vivant et gigotant de Jane Agbessi, une superbe jeune femme ligotĂ©e sur son lit. Elle raconta une histoire invraisemblable de tueur silencieux, un esprit malin ou peut-ĂŞtre un fantĂ´me. D’après ses dĂ©clarations confuses, celui avec un pic Ă glace dans l’oreille Ă©tait son amant. Il s’appelait Mosquito. Dans la voiture de la victime, un vieux Land Cruiser, on trouva un passeport libĂ©rien et un passeport ivoirien Ă deux identitĂ©s diffĂ©rentes, mais Ă©galement un permis de conduire sierra-lĂ©onais au nom de Sam Bockarie. Le policier gradĂ© rendit compte par radio Ă sa hiĂ©rarchie, qui lui ordonna d’attendre les instructions. Le superintendant de Gbarnga, un fonctionnaire zĂ©lĂ©, appela la Direction GĂ©nĂ©rale de la police Ă Monrovia qui, elle-mĂŞme, appela en direct Executive Mansion. Deux heures après la dĂ©couverte des corps, Charles Taylor Ă©tait informĂ© de la disparition tragique du gĂ©nĂ©ral Mosquito, numĂ©ro deux du RUF.Â
Le PrĂ©sident rĂ©flĂ©chit rapidement et se dit qu’après tout s’offrait lĂ une opportunitĂ© de renforcer ses relations avec les AmĂ©ricains et les Ivoiriens, sa situation politique Ă©tait plus que compliquĂ©e, et s’il voulait durer au pouvoir, il lui fallait des alliĂ©s puissants. Certes, la mort de Mosquito ne suffirait pas Ă inverser la tendance, mais c’Ă©tait un premier pas vers la pacification de cette foutue rĂ©bellion en s’attirant les faveurs de ses alliĂ©s. Comme toujours, les dictateurs se bercent d’illusions.«Â
L'avis de Charlotte
Il faut l’admettre, le sujet principal traitĂ© est dur. Nous sommes en 1992 et dĂ©couvrons l’horreur en Sierra Leone. Nous suivons Neal Yeboah, un jeune homme dont le village va ĂŞtre pillĂ© et qui sera embrigadĂ© par un groupe armĂ© sĂ©vissant dans tout le pays. Cet enfant innocent et plein de vie va ĂŞtre dressĂ© pour devenir un soldat. C’est cruel et affreusement bien dĂ©crit. Nous arrivons Ă comprendre les mĂ©canismes psychiques qui se jouent, comment un enfant peut devenir un tueur. MĂŞme en dĂ©couvrant ce jeune homme devenant un monstre, on ne peut oublier qu’il a Ă©tĂ© arrachĂ© Ă sa vie, comme tant d’autres, que ce n’est pas de sa faute. Et pourtant, il deviendra lui-mĂŞme un chien de guerre.Â
En parallèle, Tanya, une journaliste travaillant chez Mediapart est contactĂ©e par un homme retrouvĂ© mort quelques jours plus tard Ă Genève, un pic Ă glace enfoncĂ© dans le crâne. Le FBI s’en mĂŞle, la journaliste reçoit de mystĂ©rieuses informations et elle flaire un gros coup.Â
Ces deux histoires vont peu Ă peu s’entremĂŞler et entre passĂ© et prĂ©sent, la vĂ©ritĂ© se fera. Dure Ă admettre, difficile Ă regarder en face, dĂ©rangeant car très (trop) proche de la rĂ©alitĂ©, c’est un livre poignant, puissant, noir, cruel, vĂ©ridique, fouillĂ©, travaillĂ©, excellent. Que dire de plus, j’ai adorĂ©, c’est un thriller absolument rĂ©ussi.Â
Un auteur d'expérience : Laurent Guillaume
Rien de mieux qu’un ancien professionnel pour rendre rĂ©aliste les livres, Ă l’instar de Franck Thilliez (ancien flic dĂ©crivant des enquĂŞtes ultra rĂ©alistes), Laurent Guillaume quant Ă lui a travaillĂ© Ă la BAC, aux Stups et en Afrique ce qui rend ses descriptions plus vraies que nature. Ce qui rend peut-ĂŞtre le propos du livre encore plus fort est de savoir que cela a existĂ© …