Panorama
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Lilia Hassaine
Un remarquable récit d'anticipation
Le roman se déroule en 2049 mais on revient sur ce qui s’est passé en 2029. Après le retournement de citoyens contre la Justice, le peuple va prendre le pouvoir pour décider du sort de chacun. S’ensuivra alors l’ère de la Transparence, un monde dans lequel les maisons seront construites entièrement en verre, dans lequel chaque voisin pourra voir la vie de son comparse, rien ne sera caché. Moins de crime, moins d’abus, tout le monde se surveillera et se dénoncera si besoin. Page 23 : « La Transparence a de bons côtés. Elle nous a rendus plus attentifs aux autres. Face à la solitude, la tristesse, la maladie, il y aura toujours un voisin pour sonner chez vous. Les maisons de retraite ont refleuri, l’hygiène y est impeccable, le personnel aimable. Les foyers pour mineurs, vitrés désormais, protègent les enfants des risques de maltraitance, de violences sexuelles. » Pourtant, dans le quartier de Paxton, le 17 novembre 2049, la famille Royer-Dumas va disparaître. Alors Hélène Dubern, notre héroïne policière va mener l’enquête et tenter de comprendre ce qui s’est passé. En fouillant la maison des disparus, elle va tomber sur les tableaux peints par Rose, la mère de famille disparue (page 37) : « Tous représentent une femme, la même femme, dans les bois. L’expression de son visage varie d’une toile à l’autre, lui donnant un air tantôt effrayé, tantôt mélancolique, souvent désemparé. Sur certaines toiles, un rai de lumièreperce les ténèbres et auréole son visage d’un halo christique. Sur d’autres, l’obscurité est telle qu’on distingue à peine ses traits. Olga me raconte que Rose se dessinait elle-même, sans arrêt, de peur de s’oublier. Pour ne pas se perdre dans le regard des autres, elle voulait retenir son image. Se créer une bulle à elle, dans un monde transparent. La tâche était ardue. Elle essayait de capturer l’essence de ses émotions. […] Avec le temps, Rose s’était repliée sur elle-même. Elle ne cherchait pas à ce que ses tableaux soient ressemblants, non, mais exacts. Elle préférait la sensibilité à la virtuosité, la justesse à la vérité, le bon sens à l’autorité. Tout ce qui avait l’air trop évident lui semblait mensonger. »

Panorama a reçu de nombreux prix : le Prix Renaudot des lycéens en 2023, le Prix À livre ou verre en 2024, le Prix du livre Les Visionnaires en 2024 et le Prix François-Mauriac de l’Académie française en 2024.

L'avis de Charlotte
C’est un livre poétique, envoûtant, prenant, un petit bijoux ! J’ai été touché par le propos car je trouve le roman tout à fait plausible. A l’ère où vie privée est de plus en plus floue avec le partage de tout sur les réseaux, l’impossibilité de se cacher, de masquer, l’ère de la Transparence me paraît être une issue possible qui finirait effectivement comme dans le livre. D’autre part, la limite de plus en plus fragile entre Justice et tribunal médiatique me laisse à penser qu’il serait possible que les citoyens, un jour, souhaitent renverser le pouvoir et juger eux-mêmes de ce qui est bien ou non. C’est donc un livre un peu effrayant qui, comme d’autres romans du genre, laisse à réfléchir. J’ai trouvé Lilia Hassaine délicate dans sa pensée, elle ne grossit pas le trait mais décrit effectivement les actes que tout à chacun pourraient être amenés à faire. Cette écrivaine a, en plus d’une belle plume, un talent certain pour l’analyse et la construction d’un récit qui tient en haleine le lecteur, du début à la fin.
9/10
- Page Babelio
- Pour l’acheter chez votre libraire (EAN : 9782073095282)