Swing Time
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Zadie Smith

Swing Time : un roman dense

Swing Time est une ode à l’éducation. 
Zadie Smith maîtrise son art, son écriture est mature et d’une grande élégance.

Dans ce roman, rien n’est soufflé au lecteur qui devient témoin de l’amitié naissante entre deux jeunes filles issues d’un même quartier populaire au nord de Londres. Mais leur condition sociale n’en est pas identique pour autant. L’une a une mère dévorée par l’envie de s’instruire et d’inculquer une certaine hiérarchie sociale à sa fille (du moins c’est comme cela que je l’ai interprété) tandis que l’autre est son opposée. Passionnées de danse, les deux amies vont prendre des chemins différents, l’une décidant de plonger à corps perdu dans sa passion pour en faire son métier.

Zadie Smith

Son nom sonne comme celui de Patti Smith mais aucun rapport. Zadie Smith est anglaise, elle est née à Brent en 1975. Brent est un borough du Grand Londres, c’est un peu l’équivalent des arrondissements dans les grandes villes française. Son père est anglais et sa mère est jamaïcaine (celle-ci émigre en Angleterre en six ans avant sa naissance). J’ai trouvé intéressant le fait qu’elle ait modifié son prénom à quatorze ans seulement, le modifiant de Sadie à Zadie. Selon certaines sources, ce serait suite à la lecture de Zora Neale Hurston.

Au niveau universitaire, elle a étudié la littérature au King’s College (Cambridge). C’est durant ses études qu’elle va  publier des nouvelles. A compter des ses 26 ans, elle enseignera l’écriture de fiction. En plus de cela, elle rédige des critiques littéraires. 

En parallèle, elle publie des romans qui seront salués par la critique. Voici une liste de ses romans publiés mais attention, c’est non exhaustifs car je n’ai pas reporté l’ensemble de ses projets, elle produit énormément, enseigne, traduit, publie.

Swing Time - Zadie Smith

Extraits

Page 52
« Il y avait une sorte de négligence chez les mères que nous connaissions, ou ça y ressemblait vu de l’extérieur, mais nous appelions cela par un autre nom. Les enseignants avaient sans doute l’impression qu’elles ne s’intéressaient pas assez à leurs enfants pour se montrer à la réunion de parents d’élèves où, table après table, les professeurs se tenaient assis, le regard dans le vide, à attendre patiemment ces mères qui ne venaient jamais. Et je peux comprendre que nos mères aient pu paraître un peu négligentes lorsque, après avoir été informées par un instituteur d’un écart de conduite dans la cour de récréation, elles se mettaient à enguirlander l’instituteur en question – au lieu de réprimander leur enfant. Mais nous comprenions un peu mieux nos mères. Nous savions que, plus jeunes, elles avaient craint l’école, précisément comme nous maintenant, craint ses règles arbitraires et humiliantes, parce qu’elles ne pouvaient s’offrir les nouveaux uniformes, parce que le silence constamment exigé les déconcertait, parce que l’on corrigeait sans cesse leur jargon ou leur accent cockney, et parce qu’elles pensaient que de toute façon elles ne pourraient jamais faire ce qu’il fallait. Une profonde angoisse d’être « disputées » – à cause de ce qu’elles étaient, à cause de ce qu’elles avaient fait ou pas fait, et désormais à cause des actes de leur progéniture -, cette peur ne quitta jamais vraiment nos mères, dont la plupart étaient devenues mères alors qu’elles étaient à peine sorties de l’enfance elles-mêmes. Ainsi, « réunion de parents d’élèves » n’était pas très loin dans leur esprit d' »heure de colle ». Cela restait un lieu où elles étaient susceptibles de se faire humilier. La différence à présent était qu’elles avaient grandi et ne pouvaient être contraintes d’y assister. »

Page 58 – Je trouve ce passage intéressant et révélateur du comportement de la mère de l’héroïne
« A l’instar de mon amie, je devenais imperméable à la réalité. Ainsi – comme si nous cherchions toutes deux à monter sur la même balançoire simultanément -, aucune de nous ne posa de questions, et un équilibre précaire s’installa. Je pouvais bien avoir ma danseuse diabolique si elle avait son danseur de stars. Cette habitude de multiplier les détails inventés ne m’a peut-être jamais quittée. Vingt ans plus tard, au cours d’un épineux déjeuner avec ma mère, je me remémorai l’histoire de mon frère et de ma sœur quasi fantomatique. Elle soupira, alluma une cigarette et déclara : « Ça ne m’étonne pas que tu aies ajouté de la neige ».

L'avis de Charlotte

Les mères ont leur rôle à jouer dans ce récit. Leurs idéaux, leurs convictions et leur narcissisme enveloppent leurs filles. Et puis, derrière tout ce bruit brille l’absence de pères. La mère de notre héroïne explique en repensant à son passé « j’étais juste une étudiante, je fais des études, parce qu’il faut apprendre pour survivre, et j’étais mère, il fallait que j’apprenne, parce qu’on savait que s’ils nous prenaient en train de lire ou d’écrire, c’était la prison qui nous attendait, ou le fouet, ou pire, et ceux qui étaient pris en train de nous apprendre à lire ou à écrire connaissaient le même sort, la prison ou le fouet, c’était la loi à l’époque, c’était implacable, voilà comment ils nous ont volé notre  histoire et notre pays, ils nous ont empêchés de les connaître… il n’y a rien de pire pour un peuple.« . C’est très intéressant ici d’avoir le point de vue des femmes qui prennent de la distance sur leur passé et l’analyse. 

J’ai adoré la critique qui est faite sur les personnes riches qui vont développer un projet humanitaire dans un pays pauvre. C’est criant de vérité. Je ne vous spoile rien pour vous laisser vous forger un avis. 

Pour conclure, difficile de résumer ce roman car il touche à différents sujets. C’est un livre comme je les aime, magnifiquement écrit, on est ici au cœur d’une entreprise littéraire qui allie personnages réalistes et réflexions, analyses, critique du monde et des gens tels qu’ils sont. C’est aussi beau et touchant. Zadie Smith est une écrivaine contemporaine reconnue par ses pairs. C’est une grande plume.

A lire absolument pour les plus littéraires d’entre vous.

8/10

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